lundi 8 octobre 2012

Kitten-case

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Une fois jetée à la mer ma dernière dentelle(*) - c'est ainsi que j'appelais mes cravates - je trouvai que ma montre était lourde au poignet alors même que je l'avais supportée pendant des lustres.
Peut-être avais-je peur de la bousculer par quelque tâche ménagère ou de bricolage à laquelle elle n'était pas encore habituée.
A l'heure qu'il est - c'est à dire à celle que j'ignore royalement - elle doit dormir sur ses deux aiguilles au fond d'un tiroir que je me garde bien d'ouvrir.
Mes costumes et chaussures de ville ont fait un passage éclair chez Emmaüs et fait la joie d'un fouineur qui ne saura jamais dans quels avions et hôtels je les ai portés, à moins qu'il ne soit resté au fond d'une poche quelque ticket d'embarquement ou de péage résistant ouaterplouf!
 
Je découvrais tout à coup le plaisir de ne pas faire la grasse matinée, tout surpris d'être au jardin dans mes sabots quand le voisin partait rater son bus sans même daigner répondre à mon joyeux cri matinal “Bonne journée!”
J'allais apprendre tout aussi vite à oublier ce qu'est un samedi ou bien mieux un dimanche soir, ce soir si particulier où la boule de nerfs s'en vient insidieusement vous plomber l'estomac et la soirée!
 
J'en venais à me demander si cette première journée passerait vite ou lentement alors que je venais de répudier ma tocante, le tempo de ma vie, le métronome de mes gestes, le sablier de mes vieilles habitudes.
Je tournais la page(*) – comme on dit souvent – de quarante années de marathon pour découvrir bêtement la couverture de fin du bouquin et derrière elle le plateau acajou de la table du salon inlassablement nourri à la cire d'abeille O'Cedar...
Et maintenant qu'allais-je faire de tout ce temps (écouter du Bécaud?) qui manquait hier à ma vie et qui s'offrait à moi comme ces petits élastiques de bureau qu'on étire tellement qu'ils finissent par vous pèter à la gueule?
 
Ce matin là, ce qui me pétait surtout à la figure était un fatras de nouvelles questions que je n'avais eu ni l'idée ni le temps de me poser, du genre... une carte vermeil ça a quelle couleur, la supérette est-elle déjà ouverte à sept heures, l'hypertension systolique c'est mieux ou pire que la diastolique, un oeuf dur est cuit en huit secondes ou huit minutes et les coquilles vides c'est pour la poubelle verte ou la bleue, la météo c'est plus fiable sur la deux ou sur la trois?
Je demanderais bien à mon voisin mais on a plus les mêmes horaires depuis que je n'en ai plus moi même c'est à dire depuis ce matin; pour les oeufs, la météo et l'hypertension il doit avoir son idée mais pour la carte vermeil?
Parait que pour les daltoniens, ils ont fait la carte Senior...
 
A l'heure qu'il est - c'est à dire un peu plus que celle que j'ignore royalement - j'ai fait six heureux: mes chatons nés la semaine dernière viennent d'hériter de mon attaché-case reconverti en panière.
J'ai failli les vexer en voulant récupérer toutes ces fiches de paie et ces doubles de notes de frais que j'avais conservés religieusement puis j'ai tout laissé en guise de litière. Ca ronronne sur de la csg, ça se vautre dans la rtt et ça fait son pipi sur du net imposable... un vrai bonheur!
Rien que pour ça, je suis fier de mon premier jour de retraite.
J'ai subitement l'impression que c'est moi qui ronronne... ça vit longtemps, un chat?  

 
 
(*) Jeter à la mer ses dentelles: thème du 1er Octobre
(*) Tourner la page : thème du 2 Septembre

 
 
 
 
 
 

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